Naïma, petite-fille de harki part à la recherche de ses origines.  Elle souhaite lever la chappe de silence qui s’est posée sur l’histoire de sa famille. Elle a interrogé sans succès son père et sa grand-mère Yema sur les raisons de la fuite de l’Algérie en 1962, et faute de réponse, elle cherche sur internet des réponses à ses questions sur les harkis, sur la guerre d’Algérie et sur l’exil de ces populations qui ont tout quitté pour venir s’installer en France. On découvre au fur et à mesure que l’on écoute l’histoire de sa famille que rien n’a été simple pour eux. Entre représailles et déracinement, ils ont vécu, comme beaucoup d’autres, la fin de la guerre d’indépendance comme un déchirement. Rapatriés en France mais traités comme des réfugiés et parqués dans des camps puis dans des cités, ils sont souvent passés de situations confortables à la pauvreté.

La pièce pose la question de la transmission, de l’identité et de ce que l’exil provoque comme déchirure pour des familles qui n’ont pas toujours le choix de rester dans leur pays. Ces problématiques font écho, Alice Zeniter en est consciente en écrivant son roman, à l’actualité des migrants, à ces grandes migrations et aux souffrances qu’elles provoquent pour ceux qui les vivent.

Naïma a 30 ans, elle fait partie de la nouvelle génération, elle danse, elle regarde des séries sur son ordinateur, elle est « intégrée ».  Pourtant elle cherche à comprendre cette part d’elle-même « issue de l’immigration ». Que fait d’elle le fait de savoir baraguiner quelque mot d’algérien ? Quelle part d’elle même la rend « arabe » aux yeux des autres ? Elle parle beaucoup, s’interroge, s’analyse, tente de répondre aux questions qui l’animent. À l’opposé, la comédienne qui joue la grand-mère et le comédien qui joue le grand-père interviennent peu.  Leur silence s’oppose à l’exubérance et à la joie de vivre de Naïma. Le contraste est fort et symbolique entre le mutisme des ancêtres et la boulimie de vivre de Naima.

C’est Sabrina Kouroughli, qui décide d’adapter, d’interpréter et de mettre en scène le roman de Alice Zeniter et le résultat est un spectacle plein de nostalgie et de légèreté mélangé.

Les trois acteurs nous délivrent une performance tout en sobriété et en dignité. La pièce est remplie d’humour malgré la gravité des sujets abordés ce qui permet des respirations bien appréciables.

L’exil se transmet de génération en génération et cette saga familiale aide à appréhender et à comprendre la douleur et le tourment vécus par ces déracinés qui fuient encore aujourd’hui la Syrie, l’Afghanistan, l’Érythrée, ou l’Ukraine.

Texte Alice Zeniter
Mise en scène et adaptation Sabrina Kouroughli
Avec Fatima Aibout, Sabrina Kouroughli et Issam Rachyq-Ahrad
Collaboration artistique Gaëtan Vassart / Dramaturgie Marion Stoufflet
Régie son Christophe Séchet / Regard complice Magaly Godenaire
Chorégraphie Mélody Depretz

Théâtre de Belleville – Du vendredi 1er au samedi 30 septembre 2023

© Gaëtan Vassart

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